Important affluent du fleuve Sénégal servant de frontière naturelle entre le Sénégal et le Mali, la Falémé est victime d’agressions multiples depuis des années. Une situation qui fait craindre sa «disparition pure et simple» sans une volonté politique responsable pour mettre fin aux activités à la base de cette menace, l’orpaillage singulièrement.
«Il y a urgence extrême parce que le fleuve est en état de mort presque clinique… C’est préoccupant» ! C’est le cri d’alerte poussé par Ahmed Diane Séméga, alors Haut-commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), lors d’une visite de terrain en 2019. Jusqu’à une date récente, la Falémé était une source de vie pour les populations riveraines en leur offrant les conditions de pratiquer l’agriculture, la pêche, l’élevage… Sans compter l’approvisionnement en eau à usage domestique que permettait la proximité avec le cours d’eau. Mais, tout cela semble être aujourd’hui de lointains souvenirs parce que la Falémé est ironiquement devenue une source de mort à cause de la pollution essentiellement liée à l’orpaillage
«Considéré jadis comme activité complémentaire pendant la saison sèche, l’orpaillage a connu un boom ces dernières années avec l’arrivée de sociétés d’exploration ainsi que la flambée du prix de l’or», déplore l’Observatoire citoyen international du fleuve Falémé (OCIF/ Falémé). Composée de deux regroupements (ASFA 21 et Sauvons la Falémé) issue de la Guinée Conakry et du Mali, cette organisation a été lancée en mars 2020 à Kéniéba. «La situation du fleuve est devenue un problème très sérieux. D’ailleurs le cours du fleuve est occupé par les chercheurs d’or qui ont rendu l’eau complètement polluée. Il y a le dragage pratiqué par des locaux mais aussi des Maliens et autres Burkinabé. Pire encore, il y a les Chinois installés dans la zone qui participent davantage à la détérioration de la Falémé», estime, pour sa part, Kama Dansokho, un jeune habitant de Kolia, une localité de Kédougou (Sénégal).
«Le lavage et la concentration de l’or implique l’utilisation d’une table inclinée pour faciliter l’écoulement de l’eau et des particules légères», explique-t-il, indiquant que tout ceci va finir dans le fleuve. «Le cours d’eau permettait à nos parents de faire le maraîchage et la pêche et malheureusement ces activités sont plombées à cause de la pollution», se désole-t-il.
«Quand les orpailleurs draguent, cela aspire et creuse une tranchée. Les eaux usées retournent dans le fleuve et contribuent à l’altération de la qualité de l’eau. Il y a aussi les fuites d’essence et d’huile sur les dragueurs. Ce sont tous ces éléments ainsi que la grande quantité de terre déversée dans le lit du fleuve qui sont à l’origine du scandale écologique qui menace présentement l’existence de la Falémé et la vie des populations riveraines», explique un interlocuteur dans la zone. Pour des responsables de l’Ocif/Falémé, il faut urgemment «des mesures hardies des gouvernements maliens et sénégalais» pour sauver ce qui peut l’être encore.
Il y a quelques années, l’Ocif/Falémé avait élaboré un plan triennal de sauvetage évalué à 3 milliards francs CFA. Une somme impossible à mobiliser sans une réelle volonté politique de part et d’autre. Ce qui interpelle aujourd’hui le Conseil national de Transition du Mali (CNT/organe législatif de la transition) qui doit se saisir de cette menace pour imposer un moratoire sur l’orpaillage dans notre pays, notamment à une distance respectable des cours d’eau comme la Falémé. N’étant pas assujetti aujourd’hui à aucune pression politicienne, le CNT peut avoir les coudées franches pour aller dans ce sens, réglementer l’orpaillage et veiller à ce que le gouvernement exécute scrupuleusement sa décision.
Certes, l’orpaillage offre des avantages socio-économiques (l’activité génère des emplois et offre souvent un gain potentiel qui dépasse les revenus issus de l’agriculture vivrière) aux populations des zones concernées. Mais, à l’analyse, le péril que cette activité fait planer sur les futures générations des habitants de ces localités, est plus important que ses retombées socio-économiques. Il est du devoir de tous de contribuer à la sauvegarde de la Falémé en agonie en adhérant à la synergie d’actions dont le CNT se doit d’être le tremplin au Mali.
Naby