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Le M5-RFP cinq ans après : Mort brutale avec les acquis démocratiques

by Nandi
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Ses initiateurs voulaient certainement en faire un palliatif pour sauvegarder la démocratie malienne, surtout éviter la «transmission dynastique du pouvoir» qui se dessinait avec le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita dit IBK. «Mal élu» en 2018, celui-ci avait presque imposé aux Maliens un Parlement de son choix avec des législatives organisées les 29 mars et 19 avril 2020 après plusieurs années de reports. Et cela avec la complicité de la Cour constitutionnelle. Mais, la crainte d’une telle dérive politique pouvait-elle justifier qu’on se serve de la rue pour mettre fin à un régime ? En tout cas, finalement, la démocratie malienne n’a jamais été autant menacée qu’en ce moment où nous célébrons les 5 ans du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).

«Quand on voit l’os dans la gueule d’un chien, on a l’impression qu’il est tendre à croquer», dit un adage manding. C’est certainement l’impression qu’on a quand on se lance dans la conquête du pouvoir en se disant qu’on peut toujours mieux faire que l’autre. Une convoitise qui a favorisé la création du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques en 2020. Selon ses animateurs (hommes politiques, acteurs de la société civile, activistes, leaders religieux…), il fallait sauver la démocratie malienne de feu Ibrahim Boubacar Kéita dit IBK dont le second mandat a été une arête au travers la gorge de nombreux «démocrates». Comme l’a rappelé l’ancien Premier ministre et président du Comité stratégique de l’une des tendances du M5-RPF, Dr Choguel Kokalla Maïga (dans une déclaration publiée à l’occasion des cinq ans du mouvement), «le bateau Mali ne tanguait plus, il prenait l’eau de toutes parts, il allait à vau-l’eau». La contestation populaire a donc été orchestrée pour humilier IBK en le faisant partir de Koulouba. Et cela malgré toutes les concessions, voire les compromis politiques acceptés par ce dernier pour éviter au pays un précédent périlleux.

Selon Choguel, «l’esprit du M5-RFP reste vivant en chacun de nous qui avions cru au changement et à la refondation de l’État, en un mot, au Mali Kura… L’essentiel est de rester chevillés aux intérêts supérieurs, vitaux et fondamentaux des populations de nos pays». Ce discours n’est pas loin de l’utopie politique, d’autant plus que le M5-RFP n’est plus que l’ombre de lui-même après avoir volé en éclats sous l’emprise de la gestion du pouvoir. Une implosion prévisible, car ce mouvement n’était constitué que de composantes hétéroclites sans aucune consistance idéologique. Aujourd’hui, objectivement, force est de reconnaître que ce combat politique est un échec.

En effet, les Maliens venaient massivement à la Place de l’Indépendance tous les vendredis (sans que le régime en place entreprenne quoi que ce soit pour les en empêcher) parce qu’ils espéraient tenir là une opportunité de changer la gouvernance de leur pays. Et beaucoup se seraient contentés des concessions d’IBK et auraient pris le temps de le mettre à l’épreuve (mise en œuvre) si on leur avait réellement expliqué de quoi il en revenait. Mais, l’espoir a vite cédé la place au doute avec une économie fragilisée par les crises (terrorisme, Covid-19, délestages sauvages, une hausse généralisée des impôts et des taxes…), une jeunesse désorientée car ne trouvant plus de repères pour s’orienter dans le bon sens…

Le 18 août 2020, le peuple avait retrouvé un certain espoir. Malheureusement, avec la galère presque généralisée, cet espoir est en train de s’effriter. Le paysan, le conducteur Katakatanin (tricycle), les vendeuses et vendeurs au marché, l’enseignant, le commerçant, l’éleveur, les métiers de l’informel, des cadres et des agents des organisations internationales ou des ONG renvoyées… le père ou la mère (voire les deux) de famille… Tous commencent à douter aujourd’hui, à perdre leur illusion.

L’espoir du changement s’est mû en mirage. Et dans cette atmosphère pesante, ceux (figures politiques, acteurs de la société civile, activistes, journalistes…) qui osent tenir un autre langage que celui convenu, exprimer leurs opinions sur la vie de la nation sont enlevés, jetés en prison ou contraints à l’exil. Voilà le Mali cinq ans après la fameuse révolution du M5-RFP qui n’est aujourd’hui qu’une coquille vide incapable de s’opposer au gel des acquis de la démocratie. À nos yeux, le seul changement qu’il a incarné, c’est de faire partir IBK par tous les moyens.

Aujourd’hui, la «remise en cause des termes du Pacte d’honneur et du Partenariat stratégique» liant le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) au M5-RFP est sans équivoque. «Les Colonels n’ont jamais eu l’intention de partager le pouvoir. Les leaders du mouvement se rêvaient partenaires, ils n’auront été finalement qu’un marchepied», soulignait récemment un analyste politique. Les militaires ont profité de la mégalomanie de certains responsables du mouvement pour totalement prendre le contrôle de la transition à travers la rectification amorcée le 21 mai 2021 avec la mise à la touche du Colonel-major Bah N’Daw.

Une victoire parachevée avant d’être définitivement confisquée

Pis, avec la dissolution des partis politiques le 13 mai 2025, les leaders de la contestation sont complètement désarmés et pris à la gorge. Sans compter que, avec cette mesure, les maigres acquis (multipartisme, les libertés fondamentales…) de notre démocratie ne se sont jamais retrouvés dans une position périlleuse. Il faut maintenant craindre le pire avec la révision de la Charte amorcée (conseil des ministres du 11 juin 2025) pour accorder un mandat de 5 ans renouvelable à partir de 2025.

Cinq ans après «la victoire du M5-RFP parachevée par les militaires», la désillusion est totale avec les leaders de la contestation plus que jamais marginalisés, muselés, voire persécutés. Comme nous l’écrivions dans l’une de nos précédentes parutions (Le Matin N°638 du mercredi 21 mai 2025), les politiciens opposés à IBK ont applaudi le putsch du 18 août 2020 avec l’espoir que la transition ne serait qu’une courte parenthèse pour leur permettre d’assouvir leur mégalomanie en accédant au pouvoir par des petits arrangements.

«Pensant que les militaires leur remettraient les clés du pouvoir après une courte transition, plusieurs chefs de partis ont vu dans la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta une chance de rebond ou de virginité politique. Ils ont soutenu, implicitement ou activement, la prise de pouvoir par les colonels du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), pensant pouvoir influencer la suite», avions-nous écrit. Malheureusement, le pays est dans une nouvelle impasse politique avec la consolidation du pouvoir des «Colonels» (devenus des «Généraux») qui ont entièrement pris le contrôle du pays, laissant peu d’espoir à un retour à «l’ordre constitutionnel» dans un bref délai.

Autrement, la fin de la transition n’est pas pour demain. Et cela d’autant plus que les militaires sont arrivés avec un agenda (rétablir la sécurité sur tout le territoire national, poser les bases de la refondation d’un Mali nouveau…) et ils n’ont pas l’intention de remettre les rennes du pouvoir sans l’avoir correctement exécuté. Et une grande majorité des Maliens est acquise à leur cause, car ne voulant plus d’une démocratie électoraliste qui n’a jamais permis au pays de réellement avancer dans la quête de sa souveraineté politique et de son émergence socioéconomique.

Il est donc à craindre une longue prolongation de la transition avec des risques énormes d’enlisement. Il ne faut pas voiler la face, l’exécution de l’agenda des militaires est une œuvre titanesque, donc de longue haleine. À l’image de la stabilisation du pays confronté au terrorisme. Les événements des dernières semaines ont démontré que, même si la montée en puissance des Forces armées maliennes (FAMa) est incontestable, les Groupes armés terroristes (GAT) ne semblent pas avoir dit leur dernier mot et disposent aujourd’hui des moyens ultramodernes (drones…) pour faire mal à la République.

Si le retour à «l’ordre constitutionnel» est lié à la stabilisation du pays, combien de temps cela risque-t-il de prendre ? «Les élections au sein de la confédération se tiendront bien, mais seulement au rythme des autorités…», a précisé le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, récemment invité sur le plateau d’Alain Foka avec ses homologues de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et du Togo. Et le conseil des ministres a confirmé cela en adoptant mercredi dernier (11 juin 2025) le projet de loi pour réviser la Charte de la transition et d’accorder 5 ans renouvelables au président de la transition à partir de 2025. Et cela à «l’instar de ses paires de l’AES». Autrement, les politiciens vont encore devoir longtemps ronger leurs freins. À moins que… !

Moussa Bolly

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