
Comment assurer les équilibres quand le principal moteur de l’économie s’essouffle ? Telle est l’équation face à laquelle le gouvernement malien risque de se retrouver très bientôt. Et parce que deux produits qui contribuent énormément au budget national se retrouvent aujourd’hui dans une zone de turbulence. Il s’agit de l’or et du coton.
Selon des statistiques officielles, l’or représente 25 % du budget national du Mali et 75 % de ses recettes d’exportation. Il est aussi un contributeur majeur à l’économie, car représentant 10 % du PIB (produit intérieur brut) du pays. Quant au coton, sa part dans les recettes budgétaires du Mali est d’environ 12 %. Ce qui en fait la 2ᵉ principale source de devises après l’or. Ce secteur est crucial pour l’économie malienne parce qu’il contribue au PIB (environ 15 % en 2019) et soutient le développement de plusieurs activités économiques. Malheureusement, l’or et le coton se trouvent de nos jours dans une zone de turbulence pour des raisons différentes.
Le gouvernement malien a récemment révisé le Code minier pour augmenter la part de l’État dans les projets aurifères. Mais, aujourd’hui, la principale ressource extractive du pays (or) connaît une baisse de production. En effet, considéré comme le « poumon vital de l’économie nationale », la production industrielle du métal jaune aurait chuté de « façon spectaculaire », enregistrant moins 32 % en un an. Ainsi, en fin août 2025, elle s’est établie à 26,2 tonnes. Selon des observateurs, cette baisse est en partie liée à la suspension des activités de la société Barrick Mining sur le complexe de Loulo Gounkoto.
Cette baisse est préoccupante d’autant plus que l’or représente une part essentielle des recettes d’exportation et des ressources fiscales du pays. Selon des économistes, « une contraction prolongée de la production mettrait davantage sous pression les recettes budgétaires, compliquant la trajectoire de financement du déficit ».
Cent mille tonnes de coton malien bloquées dans les ports africains ! C’est à cette équation que fait aussi face la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT). Confronté à des cours mondiaux au plus bas et à la concurrence féroce du Brésil, le coton africain n’est plus compétitif. C’est ce qui explique le fait que des centaines de milliers de tonnes s’accumulent dans les entrepôts portuaires, notamment à Cotonou, Lomé, Dakar, Abidjan…
Moins compétitif, le coton ouest-africain est vite écrasé par la concurrence
Selon les estimations qui circulaient fin septembre à Deauville (Normandie, France), lors de la rencontre annuelle de l’Association française cotonnière (AFCOT), ce sont au minimum 200 000 tonnes de coton qui resteraient invendues. Les chiffres de 250 000 à 300 000 tonnes sont évoqués par certaines sources. Malheureusement, selon l’Afcot, le Mali serait particulièrement touché avec 100 000 tonnes bloquées. « La concurrence est rude, car il y a aussi du coton brésilien et américain sur le marché », a confié à la presse Boubacar Salia Daou, négociant et président de Millenium Mali. Avec un coût de revient élevé, le coton ouest-africain est vite écrasé par la concurrence. Selon de nombreux observateurs, la chute des prix n’impacte pas seulement les marges des traders, mais affecte aussi les finances des sociétés d’État comme la CMDT… Incapables de vendre leur production, les sociétés cotonnières ouest-africaines ne peuvent plus rembourser leurs crédits et devront bientôt négocier de nouveaux prêts pour la nouvelle campagne. Ce qui accentue l’incertitude sur la nouvelle récolte prévue dans quelques semaines. Sans compter le surcoût d’un stockage prolongé dans des ports.
À cause de cette zone de turbulence dans laquelle se trouve l’or (jaune et blanc), le gouvernement doit donc se préparer à « jongler » avec des marges budgétaires étroites, tout en essayant de maintenir un effort sur les investissements structurants et les dépenses sociales. Si la tendance se confirme, il (gouvernement) sera contraint d’élargir l’assiette fiscale, de renforcer le contrôle de la dépense publique et de sécuriser l’environnement des affaires. Une situation qui ne sera pas sans conséquences sociopolitiques car la pression fiscale est asphyxiante ces dernières années.
Cette situation pose une fois de plus la nécessité, voire l’urgence, de la « diversification et la soutenabilité du modèle économique ». L’économie malienne reste en effet fortement concentrée et vulnérable aux fluctuations des cours mondiaux de ses principaux produits d’exportation. En 2023, notre pays s’est imposé comme le 2ᵉ producteur africain d’or et de coton, qui représentaient respectivement 81 % et 9 % de ses exportations. Mais l’économie malienne souffre de sa non-diversification. Elle reste fortement dépendante des importations et des exportations de quelques matières premières comme l’or, le coton et le bétail.
La faible productivité agricole, les défis énergétiques et le secteur informel étendu la rendent vulnérable aux chocs extérieurs, aux fluctuations des prix des matières premières et aux aléas climatiques. Pour y remédier, selon de nombreux experts, il est essentiel de promouvoir le secteur privé, de soutenir la production nationale, d’améliorer l’accès à l’énergie et de diversifier les secteurs porteurs comme le lithium…
Pour ce qui est du cas de l’or, les spécialistes préconisent « une reflation minière par la relance des sites en difficulté » ou « une stratégie claire d’attribution » de nouveaux permis pour freiner la spirale descendante des recettes aurifères. Et cela d’autant plus que les cours mondiaux du précieux métal ne cessent de battre des records ces derniers temps. Ainsi, vendredi dernier (17 octobre 2025), le prix d’un kilo d’or est de 100 867,81 euros, soit 118 493,45 dollars. Ce prix est aussi celui d’un lingot d’1 kg si aucune prime ne s’applique. Le lingot d’un kilo était coté la semaine dernière à 45 407 000 FCFA. Ainsi, le prix du gramme d’or pur 24 carats est de 45 407 FCFA. Comme on peut le constater, la production d’or du Mali a chuté au mauvais moment !
Hamady Tamba