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Justice Malienne : Un nouveau rapport dévoile l’ampleur de la corruption

by Nandi
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La corruption au sein de la justice, ce fléau silencieux, fragilise la confiance des citoyens et met à mal les principes de l’État de droit. Contrairement aux idées reçues, elle ne découle pas nécessairement de la situation financière des magistrats, des greffiers ou des auxiliaires de justice, avocats, huissiers entre autres dont le confort économique n’est pas toujours synonyme d’intégrité. C’est dans ce cadre que le Projet LUCEG a dévoilé, ce mercredi 3 décembre 2025 au siège du Patronat, la mise à jour de son étude consacrée à la corruption en milieu judiciaire. La cérémonie d’ouverture, présidée par le représentant du ministre de la justice, M. Oumar Traoré, également directeur général de l’ARGASC, a rassemblé plusieurs personnalités publiques et acteurs engagés dans la lutte contre la corruption, dont le directeur pays du projet, M. Dramane Yacouba Diallo, et la représentante de la Mairie de la Commune IV, Mme Traoré Nana Sy.

La mise à jour de cette étude, fait partie intégrante du plan travail du projet LUCEG au Mali, qui a pour objectif actualiser l’étude menée en 2019 par l’ENAP dans le cadre du projet JUPREC. Cette mise à jour apporte une dimension cruciale en y ajoutant une cartographie des inégalités des effets de la corruption en milieu judiciaire sur les femmes et les filles. L’objectif de cette étude est documenté davantage et avec précision les formes, les causes, les acteurs et les conséquences de la corruption dans le secteur de la justice.

Au cours cette cérémonie, Dramane Yacouba Diallo, le Directeur Pays du projet LUCEG, pour sa part la corruption dans le secteur de la justice dépasse le cadre d’une simple violation morale ou administrative. Elle entraîne des répercussions profondes et pérennes tel que la dégradation de la qualité du service de la justice, elle démoralise notamment les actrices et acteurs du secteur, accentue les disparités sociales, augmenté la méfiance à l’égard des institutions judiciaires et plus grave encore, elle compromet une justice équitable et égalitaire pour des générations entières de citoyens. Face à de telles percussions, nous ne pouvons et ne devons pas rester insensibles à ces répercussions. La bataille contre la corruption en milieu judiciaire ne peut être remportée par un seul acteur. Elle requiert l’engagement total et la synergie de chacun.

Quant au représentant du Ministère de la Justice a d’abord exprimé sa gratitude envers le projet LUCEG pour la continuité apportée aux actions engagées jadis par le projet JUPREC. Il a ensuite présenté le rapport consacré à la corruption en milieu judiciaire, soulignant que l’importance de ce document qui, selon lui, apportera une contribution significative aux efforts de prévention et de lutte contre la corruption, tant dans le secteur judiciaire que dans d’autres domaines de l’administration publique. De même il ajoute aussi que la corruption est particulière pur dans le milieu judiciaire surtout quand on sait que la justice est le dernier hangar dans la lutte contre les abus de pourvoir y compris la corruption.

À ce titre, a-t-il rappelé, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour combattre ce fléau, quel que soit le secteur concerné. Il a enfin précisé que pour éradiquer cette menace sur notre territoire consiste à réduire au maximum les opportunités de corruption.

L’étude consacrée à la corruption au sein de l’appareil judiciaire révèle une série de points essentiels qui en dressent un tableau préoccupant

Connaissance de la corruption du système judiciaire

Cette section de l’enquête vise à approfondir la connaissance et à évaluer la perception des jeunes et des femmes concernant la corruption au sein du système judiciaire. Elle explore leurs connaissances sur les causes et les conséquences principales de la corruption dans le système judiciaire malien, ainsi que les différents types de corruption observés. Nous cherchons également à identifier les pratiques corruptives les plus répandues et à analyser leurs impacts sur les femmes et les filles. De plus, nous examinons les formes de corruption affectant ou perpétrées par les femmes dans le milieu judiciaire.

Cette section s’intéresse également à la résistance des acteurs de la justice face à la corruption, ainsi qu’aux solutions envisagées pour réduire les formes de corruption exercées par les femmes sur les acteurs de la justice.

Enfin, nous examinons l’évolution des mécanismes de lutte contre la corruption au cours des trois dernières années, offrant ainsi un aperçu de l’efficacité des efforts déployés pour lutter contre ce fléau.

Le favoritisme est largement cité, avec 85% des répondants signalant cette pratique. Cela souligne une tendance inquiétante où les décisions judiciaires sont influencées par des préférences personnelles plutôt que par des critères légitimes et impartiaux.

Le trafic d’influence est également mentionné par une proportion significative de répondants, avec 51% d’entre eux l’identifiant comme une pratique courante. Cette pratique met en jeu l’utilisation induite de l’influence ou du pouvoir pour obtenir des faveurs ou des décisions favorables dans des affaires judiciaires.

Le racket est signalé par 33% des répondants, illustrant une autre forme courante de corruption où des paiements illégaux ou des extorsions sont exigés en échange de services judiciaires.

Les promesses et offres faites par les parties à un procès sont également fréquemment mentionnées, avec

31% des répondants signalant cette pratique. Ces promesses peuvent influencer le déroulement du procès et nuire à l’intégrité du système judiciaire.

La sollicitation de promesses et d’offres de la part de juges est identifiée par 29% des répondants, mettant en évidence les risques liés à la corruption active de la part des membres du système judiciaire eux-mêmes.

Enfin, les ententes à des fins de condamnation pécuniaire de l’État ou de l’une de ses composantes sont mentionnées par 21% des répondants. Cela met en lumière une pratique où des accords sont conclus dans le but de tirer profit financièrement des décisions judiciaires.

En outre, la catégorie « Autres » représente 1% des réponses.

Proportion des répondants selon l’impact des pratiques corruptives sur les femmes et les filles

Oui 65% des répondants estiment que les pratiques corruptives ont un impact significatif sur les femmes et les filles. Cette constatation met en lumière la vulnérabilité particulière de ce groupe face à la corruption, souligne ainsi la nécessité de mesures spécifiques pour les protéger et les soutenir.

Non : 28% des répondants estiment que les pratiques corruptives n’ont pas d’impact sur les femmes et les filles. Cette opinion peut refléter un manque de sensibilisation ou de compréhension des réalités auxquelles les femmes et les filles sont exposées dans les situations de corruption, soulignant ainsi un besoin potentiel de sensibilisation accru.

Les formes de corruption exercées sur les femmes ou par les femmes dans le milieu judiciaire selon les répondants

75% des répondants citent le recours à l’argent comme une forme de corruption courante dans le milieu judiciaire impliquant les femmes. Cette pratique met en évidence les transactions monétaires utilisées pour obtenir des faveurs ou influencer les décisions judiciaires.

61% des répondants signalent la séduction comme une forme de corruption pratiquée par ou sur les femmes dans le milieu judiciaire. Cette pratique soulève des préoccupations quant à l’utilisation de charme ou de séduction pour influencer les acteurs judiciaires ou obtenir des avantages.

58% des répondants mentionnent le harcèlement comme une forme de corruption évoquée dans le milieu judiciaire impliquant les femmes. Cela souligne les situations où des pressions indésirables sont exercées sur des individus dans le cadre de procédures judiciaires. Précisons qu’il s’agit ici d’un harcèlement exercé dans les deux sens : souvent par le corrupteur (acteurs de la justice) souvent par les femmes/filles corruptrices en quête d’un résultat auprès de l’institution judiciaire.

43% des répondants identifient le chantage comme une forme de corruption, mettant en lumière les situations où des menaces ou des pressions sont utilisées pour obtenir des avantages ou influencer les décisions judiciaires.

2% des répondants font référence à d’autres formes de corruption impliquant les femmes dans le milieu judiciaire, telles que les transactions en nature (parcelles, voitures, etc.).

Résistance des acteurs de la justice face aux formes de corruption selon les répondants

59% des répondants indiquent que les acteurs de la justice ne résistent pas à ces formes de corruption. Cette constatation soulève des préoccupations quant à la capacité du système judiciaire à faire face efficacement à la corruption.

En revanche, 34% des répondants estiment que les acteurs de la justice résistent à ces formes de corruption.

Cela atteste l’existence d’initiatives ou d’efforts visant à lutter contre la corruption au sein du système judiciaire.

Et enfin 7% des répondants ne sont pas certains si les acteurs de la justice résistent ou non à ces formes de corruption. L’étude analyse aussi l’impact sur les femmes, la résistance des acteurs judiciaires et l’évolution des mécanismes de lutte contre la corruption au cours des trois dernières années.

Les conséquences de la corruption sur le système judiciaire selon les répondants

Les répondants ont identifié plusieurs conséquences de la corruption sur le système judiciaire :

Pour 52% des répondants, la corruption contribue à la lenteur des procédures judiciaires, entraînant des retards et des inefficacités dans la dispensation de la justice.

51% des répondants soulignent que la corruption crée une rupture d’égalité devant la loi, favorisant certains individus ou groupes au détriment d’autres. 50% des répondants estiment que la corruption conduit à une perte de confiance dans l’intégrité des magistrats, compromettant ainsi la crédibilité et la légitimité du système judiciaire.

Aussi, 49% des répondants indiquent que la corruption entraîne l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire à des fins politiques ou personnelles, compromettant ainsi son indépendance et son impartialité. Selon 48% des répondants, la corruption conduit à la non-exécution des décisions de justice, sapant ainsi l’autorité et l’efficacité du système judiciaire.

32% des répondants soulignent que la corruption peut entraîner un risque accru de vindicte populaire ou de vengeance, créant ainsi des tensions sociales et menaçant la stabilité et 33% des répondants mettent en évidence les atteintes aux droits de l’homme résultant de la corruption, notamment en compromettant l’accès à une justice équitable et impartiale pour tous.

31% des répondants notent que la corruption favorise l’impunité et l’incivisme en affaiblissant les mécanismes de responsabilisation et en sapant la confiance dans le système judiciaire et enfin une minorité de 2% des répondants ont mentionné d’autres conséquences spécifiques de la corruption sur le système judiciaire, telles que l’affaiblissement de l’État et la compromission de l’avenir de la nation.

Perception globale des acteurs et actrices de la justice selon les répondants

1. Confiance dans le système judiciaire : Une proportion notable des répondants exprime un manque de confiance dans le système judiciaire, avec 28% affirmant ne pas avoir du tout confiance et 19% étant absolument d’accord sur ce point.

2. Influence des décisions politiques : Une majorité relative (42%) est d’accord sur le fait que les décisions politiques du gouvernement influencent le système judiciaire, tandis que 15% sont absolument d’accord avec cette affirmation.

3. Perception d’injustice : La perception que les décisions prises par les juges sont souvent injustes est répandue, avec 52% des répondants d’accord sur ce point.

4. Corruptions et pressions : Les affirmations concernant la manipulation du système judiciaire par des pouvoirs obscurs (8%), des pressions économiques (10%), et des paiements illégaux élevés (24%) montrent des préoccupations quant à l’intégrité du système.

5. Accessibilité et professionnalisme : Les réponses indiquent des défis dans l’accès au système judiciaire (14% absolument d’accord) et des préoccupations concernant le professionnalisme des juges (16%) et des avocats (10%).

6. Lenteur et non-application des décisions : Une proportion importante des répondants exprime des préoccupations concernant la lenteur des procédures judiciaires (23%) et la non-application des sentences ordonnées par les tribunaux (31%).

7. Complexité des lois : 47% des répondants sont d’accord sur la complexité des lois, ce qui souligne les défis que peuvent rencontrer les citoyens dans la compréhension et l’application des lois.

8. Menaces et enquêtes : Une partie significative des répondants perçoit des menaces sur les juges s’ils pénalisent des individus puissants (30%) et des manquements dans les enquêtes d’investigation menées par le juge d’instruction (33%).

Ce graphique met en évidence un certain scepticisme et des préoccupations majeures quant au fonctionnement du système judiciaire au Mali, notamment en ce qui concerne l’indépendance, l’équité, la transparence, l’accessibilité, et l’intégrité du système. Ces perceptions soulignent la nécessité de réformes et d’améliorations dans le système judiciaire pour renforcer la confiance du public et garantir l’accès à une justice équitable pour tous.

Avis des acteurs de la justice relativement aux pratiques corruptives

Cette section de l’étude se concentre sur les perceptions et les expériences des acteurs concernant plusieurs aspects clés liés à la corruption et à la confiance dans le système judiciaire. À travers une série de questions, nous explorons les opinions et les réactions des acteurs de la justice face à des situations de propositions corruptives, ainsi que leurs perspectives sur l’origine, les motivations et les conséquences de la corruption.

Nous abordons également la question cruciale de la confiance du public dans le système judiciaire et examinons les perceptions des acteurs de la justice, en particulier leur évaluation du travail des juges.

Les questions abordées dans cette section sont conçues pour fournir un aperçu approfondi de la manière dont les acteurs perçoivent et interagissent avec le phénomène de la corruption, ainsi que leur évaluation de l’intégrité et de l’efficacité de la justice. En explorant ces thèmes, nous visons à identifier les défis et les opportunités pour renforcer la confiance du public dans le système judiciaire et à informer les efforts visant à promouvoir la transparence, l’équité et l’efficacité de la justice au Mali etc.

A ce propos, les perceptions recueillies révèlent une défiance profonde, une part importante des citoyens estime que les décisions judiciaires sont souvent injustes, que les lois sont difficiles à comprendre et que les pressions politiques et économiques influencent les magistrats. Pour beaucoup, l’indépendance de la justice demeure un idéal encore lointain. En publiant cette mise à jour, le Projet LUCEG souligne sa détermination à poursuivre la lutte contre la corruption et à soutenir les réformes indispensables pour restaurer la confiance des populations malienne dans leur justice.

Youma A Cissé

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