
« Le président Amadou Toumani Touré a eu la main heureuse en portant son choix sur Soumana Sako, un grand patriote, un homme de devoir, respecté, certains diront craint, pour sa rigueur, sa probité son sens de l’Etat »
Un homme qui, à l’occasion, s’est révélé un rassembleur, un meneur d’hommes exceptionnel. Oui, Soumana Sako a su rassembler des hommes et des femmes qui n’avaient en partage que le seul amour de la patrie, tant étaient différents leurs parcours politiques et professionnels. Sako a réussi la prouesse de faire travailler ensemble des hommes et des femmes venus d’horizons divers, aux parcours fort dissemblables, dont certains se croyaient des adversaires irréductibles. Mais dont lui savait que tous avaient chevillé au corps le désir de rendre le Mali meilleur ». Ces propos sont de l’ancien ministre de la Fonction publique et du Travail du gouvernement de la Transition démocratique 1991-1992, Daba Diawara pour rendre un vibrant hommage à l’ancien Premier ministre Soumana Sako, au nom des anciens ministres de la Transition démocratique sous feu le président Amadou Toumani Touré. Ci-dessous le discours de Daba Diawara que nous publions en intégralité.
« Oui, Soumana Sako a su rassembler des hommes et des femmes qui n’avaient en partage que le seul amour de la patrie »
« C’est un honneur pour moi et un bien redoutable devoir que de rendre hommage, au nom des ministres des gouvernements de la Transition démocratique 1991-1992 à Soumana Sako, cet homme de vision, cet homme d’action arraché à l’affection des siens. A son épouse, à ses enfants et petits-enfants, à sa famille endeuillée, nous adressons nos sincères condoléances.
Notre pays perd un fils intègre et loyal, un grand patriote, la personne d’exception que Le Tout Puissant a placé à notre tête pour écrire, sous l’autorité du président Amadou Toumani Touré et du Comité de transition pour le salut du peuple, le CTSP, une page qui restera parmi les plus glorieuses de l’histoire du Mali moderne. Une page qui a fermé l’ère d’antan et tracé les premiers sillons de l’édification d’un Etat démocratique.
À l’époque, c’était une gageure, tant les périls menaçaient, tant il semblait difficile de tenir le cap annoncé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré, sortir de la Transition au plus tôt et laisser la place à des autorités démocratiquement élues dont étaient exclus ceux qui auraient dirigé la Transition.
Ceux qui connaissent le fonctionnement de nos Etats savent quelle place le gouvernement devrait tenir dans la réalisation de ce grand dessein et combien le choix de la personnalité appelée à le conduire était déterminant.
Le président Amadou Toumani Touré a eu la main heureuse en portant son choix sur Soumana Sako, un grand patriote, un homme de devoir, respecté, certains diront craint, pour sa rigueur, sa probité son sens de l’Etat. Un homme qui, à l’occasion, s’est révélé un rassembleur, un meneur d’homme exceptionnel.
Oui, Soumana Sako a su rassembler des hommes et des femmes qui n’avaient en partage que le seul amour de la patrie, tant étaient différents leurs parcours politiques et professionnels.
Sako a réussi la prouesse de faire travailler ensemble des hommes et des femmes venus d’horizons divers, aux parcours fort dissemblables, dont certains se croyaient des adversaires irréductibles. Mais dont lui savait que tous avaient chevillé au corps le désir de rendre le Mali meilleur.
Il semblait difficile de tenir le cap, tant était court le temps imparti : 9 mois portés à 14 par la Conférence nationale. Difficile de tenir le cap tant les périls menaçaient. Péril, que la persistance des troubles dans le Septentrion, péril, que la conciliation des exigences des partenaires financiers avec celles de l’UNTM par rapport à la réduction de la masse salariale, à la poursuite des programmes de départs volontaires et de la réduction des effectifs du secteur public. Péril, que les exigences de l’Adide (Association des demandeurs et initiateurs d’emplois) pour la création d’emplois pour les jeunes, notamment les jeunes diplômés. Péril, que la satisfaction des revendications de l’AEEM acceptées par le régime défunt.
Péril, que la course effrénée de certaines forces pour la conquête du Pouvoir.
Péril, que la difficile construction d’une armée république avec une armée affaiblie et stigmatisée comme artisan de la répression du mouvement insurrectionnel. Périls, que la traduction factuelle de tout cela en grèves, marches et j’en passe dont la fréquence et la violence avaient ébranlé plus d’un.
Périls, que la juste et acceptable solution à trouver à la légitime demande pressante d’indemnisation des victimes de la répression exigée par l’ADVR (Association de défense des victimes de la répression) et le jugement des crimes de sang et des crimes économiques. Menace de crise économique pouvant résulter de la destruction du tissu de production par les casses des unités industrielles et des commerces.
Conjurer ces périls et tenir le cap n’étaient pas donné à tout le monde. C’est dans cette situation qui semblait conduire au chaos que Soumana Sako s’est véritablement révélé Homme d’Etat. Il a écouté toutes les forces vives qui portaient des revendications ou qui exigeaient la réparation d’injustices. Et, sans jamais perdre de vue ce qu’il considérait conforme à l’intérêt supérieur de la Nation, il a su trouver, avec son équipe, des solutions qui furent immédiatement acceptées et appliquées ou ont ouvert la voie à d’autres.
Sans excès, mais avec fermeté l’ordre fut rétabli, un Pacte national fut conclu avec l’espoir d’une paix durable au nord. Un Pacte social, réponse à ses revendications, fut signé avec l’UNTM. De nombreuses revendications de l’AEEM (Association des élèves et étudiants du Mali) reçurent réponses. Des programmes d’actions, dont certains perdurent, ont été lancés pour promouvoir l’emploi des jeunes. Des actions vigoureuses ont permis la tenue des procès crimes de sang et crimes économiques et des pistes furent ouvertes pour la réparation des préjudices de la répression de l’insurrection populaire ayant conduit au renversement de la dictature.
Des mesures efficaces et adaptées ont permis d’éviter une crise économique. Les salaires ont été régulièrement payés et des directions indiquées pour que les travailleurs ne connaissent plus les affres des mois sans salaire. La lutte contre la délinquance financière prit une nouvelle dimension avec l’entrée au gouvernement du Contrôleur général d’Etat et s’est humanisée avec la suppression de la Cour spéciale de sûreté de l’Etat.
C’est sous le gouvernement de la Transition démocratique 1991-1992 que la promotion féminine et l’exigence de solidarité sont devenues des impératifs nationaux. Il fut créé un ministère de la Santé publique, de l’Action sociale et de la Promotion féminine dont une des actions phares fut l’organisation d’un forum national qui fit une place particulière aux femmes rurales et à leurs besoins spécifiques. Les actions de ce département se sont poursuivies avec la création d’un Secrétariat d’Etat à la Promotion féminine. Le gouvernement de la Transition démocratique prit des mesures rapides en faveur des femmes, notamment la définition d’une politique de promotion féminine, la nomination de femmes à des postes de responsabilité et de hautes fonctions jusque-là ouverts aux seuls hommes, la suppression de certaines mesures défavorisant les femmes notamment l’inégalité devant l’impôt général sur les revenus, les mesures discriminatoires du code du commerce, l’exigence de l’autorisation pour sortir du territoire.
Parallèlement, pierre par pierre, et en étroite collaboration avec les partis politiques et les organisations de la société civile, l’édifice de l’Etat démocratique fut construit avec la tenue de la Conférence nationale, l’élaboration d’un projet de Constitution, l’adoption d’une loi électorale et d’une Charte des partis politiques, la tenue des élections municipales, législatives et présidentielles et le transfert du Pouvoir à des autorités issues d’élections transparentes, bien organisées, peu coûteuses et très peu contestées. Les ondes furent libérées.
Oui, nous à qui tu as fait l’honneur d’appeler à tes côtés, nous disons ici, haut et fort que Soumana Sako a assumé ses fonctions de Premier ministre de la Transition démocratique 1991-1992 avec une dignité, une rigueur, une intégrité et un sens du devoir qui resteront à jamais gravés dans la mémoire collective. Le Mali te doit reconnaissance et respect. Ton passage ici-bas aura été remarquable et inestimable.
Les grands hommes ne meurent pas. Ils vivent éternellement dans l’histoire.
Mais, Ina lilahi wa Ina ilehi rajiun. Puisse le Très Haut, le Très Puissant t’accorder sa miséricorde ».
Daba Diawara
Ancien ministre de la Fonction publique et du Travail (1991-1992)