Résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2022 : la population malienne de 22 395 489 habitants se distingue par une forte croissance démographique (3,3 %), une urbanisation rapide (45 %), et une proportion élevée d’enfants (57,6 % de moins de 18 ans)
L’analyse de la situation des enfants au Mali, menée par les autorités du pays et l’UNICEF, évalue l’application de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), de la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDEF) et de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant. De nombreux enfants et adolescents vivent dans des contextes de grande contrainte, aggravés par le conflit armé en cours depuis 2012, qui a entraîné le déplacement de 1,5 million de personnes à l’intérieur du pays et vers les pays voisins. Ce rapport est une analyse exhaustive basée sur des données probantes concernant la situation des enfants, des femmes et des adolescents au Mali.
Sur le plan social, malgré les efforts de développement des autorités et les réformes dans les secteurs de la gouvernance sociale, une part importante de la population malienne reste privée d’accès adéquat aux services sociaux de base. De nombreux enfants et adolescents vivent dans des conditions difficiles, exacerbées par le conflit armé depuis 2012, qui a provoqué le déplacement de 1,5 million de personnes à l’intérieur du pays et vers les pays voisins.
Le Mali se classe parmi les pays avec un très faible niveau de développement humain et une grande vulnérabilité. En 2021, il était au 186ème rang sur 191 pays selon l’Indice du Développement Humain. L’indice de développement humain ajusté aux inégalités est de 0,291, l’indice genre est de 0,887 et l’indice d’inégalité de genre est de 0,613. L’indice de pauvreté multidimensionnelle pour la période 2009-2020 est évalué à 0,55. Le Mali est également classé parmi les dix pays les plus exposés aux risques climatiques et occupe le 29e rang sur 163 pays selon l’Indice des Risques Climatiques pour les Enfants (IRCE) de l’UNICEF. Les prévisions du GIEC indiquent que le changement climatique aura des impacts significatifs, avec des températures croissantes et des sécheresses prolongées dans le nord, et des inondations saisonnières dans les régions sahéliennes et méridionales. Ces conditions perturbent gravement le bien-être des enfants et des adolescents.
Selon l’Étude sur les privations multidimensionnelles et la pauvreté des enfants au Mali de 2022, près de 41,3% de l’ensemble des enfants souffrent de plusieurs privations concomitantes, les plus affectés étant ceux issus de ménages très pauvres ou qui habitent en zones rurales.
Depuis le lancement dans les années 1980 de grands programmes de lutte contre la pauvreté, les autorités maliennes ont continuellement œuvré pour améliorer les conditions de vie des populations en renforçant l’efficacité de la gestion des finances publiques. À cette fin, elles ont mis en place diverses réformes administratives et économiques visant à optimiser le fonctionnement de l’administration, à réduire la corruption et à obtenir des résultats concrets pour les citoyens. Il s’agit notamment du Plan de réforme de la gestion des finances du Mali (PREM) 2022-2026, le Programme d’Urgence pour la Relance du Développement des Régions du Nord (PURD/RN), la Stratégie de Stabilisation des Régions du Centre (SSRC) 2022-2024 et son plan d’action, la Politique Nationale de Transparence, la revitalisation des mécanismes de lutte contre la corruption ainsi que l’introduction des principes de la Gestion Axée sur les Résultats (GAR) dans les secteurs de l’éducation, de la santé, du développement rural, de l’hydraulique, de l’assainissement et de la décentralisation. Les autorités ont pris des mesures pour améliorer le respect des droits de l’homme et assurer l’accès à une justice de qualité.
Le droit des enfants et des adolescents à la santé
Au Mali, la situation des enfants et des adolescents est en constante amélioration, y compris la santé maternelle dont le taux de mortalité maternelle se serait nettement améliorée. Depuis 2012, les principaux indicateurs de mortalité des enfants sont en baisse. En 2021, le taux de mortalité néonatale atteignait 33,43 pour 1 000 naissances vivantes (PMNV), le taux de mortalité infantile 61,63 PMNV et le taux de mortalité infanto-juvénile 97,07 PMNV. Les garçons décèdent plus souvent que les filles durant la période néonatale tandis que durant l’adolescence les taux de mortalité des jeunes filles sont plus élevés. Ces améliorations, progressives et régulières, ces trois dernières décennies, n’ont toutefois pas bénéficié de la même manière à tous les enfants du pays. Les taux de mortalité infanto-juvénile sont beaucoup moins élevés dans les régions de Gao (76 PMNV) et Kidal (35 PMNV) que dans celles de Tombouctou (138 PMNV), Ségou (132 PMNV), Mopti, (126 PMNV), Sikasso (111 PMNV), Koulikoro (103 PMNV) et Kayes (112 PMNV).
Le droit des enfants et des adolescents à être protégés contre le VIH-SIDA
Le Mali est classé dans la catégorie des pays à épidémie dite à VIH généralisée mais à faible intensité. La prévalence dans la population âgée de 15 à 49 ans serait de 0,9%, représentant un effectif total des personnes vivant avec le VIH de 120 000. L’épidémie est concentrée dans le milieu urbain et dans les groupes à risques que sont les professionnelles du sexe, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les personnes transgenres, les utilisateurs de drogues injectables (IDU) et les prisonniers. Le nombre d’enfants âgés de 0 à 14 ans et vivant avec le VIH est estimé à 12 000 avec 1 800 nouvelles infections par an – le nombre de décès d’enfants dus au VIH est estimé à 1 200 par an. On estime qu’environ 2 % des enfants âgés de 10 -14 ans du Mali sont orphelins (père et mère décédés).
Le droit des enfants et des adolescents à la nutrition
Depuis des décennies, les enfants, les adolescent-e-s et les femmes du Mali, à l’instar des autres pays sahéliens, font face à la malnutrition. Ces dernières années, le phénomène est devenu plus alarmant en raison de la conjugaison des facteurs de risques : insécurité, retombées des crises internationales (augmentation des prix de l’énergie, des denrées alimentaires, des intrants agricoles…), accélération des effets du changement climatique.
Au Mali, la malnutrition se présente sous différentes formes et à des niveaux généralement élevés et qui n’ont pas beaucoup changé ces cinq dernières années. Chez les enfants de moins de 5 ans, les formes de malnutrition sont le retard de croissance (21,9%), l’insuffisance pondérale (en hausse depuis 2020 avec 18,6% en 2022) et la Malnutrition Aiguë (10%). La forme la plus dangereuse est la Malnutrition Aigüe Sévère (MAS), qui affecte environ 2% des enfants. Les garçons de moins de 5 ans sont plus atteints que les filles de malnutrition aiguë (10,7% contre 8 %) et d’insuffisance pondérale (15,4% contre 7,7%). Chez les enfants âgés de 10 à 19 ans, la situation des filles est beaucoup plus favorable que celle des garçons (6,5% contre 14,9%). Les femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) combinent les problèmes de sous-nutrition et de la surnutrition (5,5% des femmes en âge de procréer souffrent d’insuffisance pondérale, alors que 21,5% d’entre elles présentent un surpoids et que 10,8% souffrent d’obésité).
Le droit des enfants et des adolescents à l’eau et assainissement
Entre 2018 et 2021, l’accès à l’eau, traduit en pourcentage de population consommant de l’eau provenant d’une source améliorée, est passé de 69% à 83% au Mali. En matière d’assainissement, l’amélioration a été plus lente car 12 % des ménages n’ont toujours pas de toilettes. Les récents progrès dans le domaine de l’eau ont particulièrement profité aux populations rurales (augmentation de 62 % à 78 % en milieu rural et de 95 % à 98 % en zones urbaines), mais n’ont pas effacé toutes les inégalités. Le taux d’accès à l’eau atteint 98% à Bamako, mais seulement 75% à Mopti, 66,2% à Sikasso et 51,8% dans la région de Ménaka. L’accès à un service d’assainissement géré en toute sécurité nécessite d’être amélioré, car l’utilisation des services d’assainissement élémentaires est deux fois plus élevée en milieu urbain (61,2% contre 35,7% en milieu rural) et beaucoup plus élevée parmi les ménages aisés.
Le droit des enfants et adolescents à l’éducation
Depuis l’Indépendance, la scolarisation des enfants y a beaucoup progressé. Ces vingt dernières années, les effectifs des élèves ont pratiquement triplé, passant de 1 495 298 en 2000 -2001 à plus de 3 636 133 enfants en 2021. Cette progression, bien qu’impressionnante, cache cependant le problème des enfants non scolarisés et celui des disparités entre régions. La population totale des enfants en âge d’être scolarisés est estimée à environ 10 millions. La privation scolaire affecte particulièrement les enfants de moins de 5 ans (94,5%), ceux de 5 à 9 ans des zones rurales (55,8%, contre 12,7% dans le district de Bamako), les enfants de plus de 10 ans et les filles du monde rural. Au total, 2 127 155 enfants scolarisables au primaire et au secondaire ne seraient pas scolarisés – 38,2% hors du cycle enseignement primaire et 44,9% hors du cycle d’enseignement secondaire. Les zones les plus touchées sont celles de Kidal, Ménaka, Mopti et Ségou.
Le droit des enfants à une identité
Les dernières estimations établies au Mali dans le domaine de l’enregistrement des naissances indiquent un taux élevé, mais aussi une différence assez notable entre les zones urbaines (96%) et le milieu rural (84%) ainsi qu’une légère différence entre les garçons (87,8%) et les filles (85,6%). Ces niveaux sont stables depuis 2015, mais cachent des disparités entre régions, notamment celles où le service est perturbé dans les zones d’insécurité. Ces résultats sont à mettre au crédit de la volonté des autorités d’assurer le succès de la réforme de l’enregistrement des faits d’état civil et des statistiques vitales engagée dès 1987, d’étendre le processus d’enregistrement des naissances aux services de santé et la prise en charge multisectorielle du problème.
Le droit des enfants à la protection contre les violences et l’exploitation
Au Mali, comme dans la plupart des sociétés africaines, l’enfant est éduqué, protégé et socialisé dans un climat familial fortement marqué par les traditions de discipline considérées comme des pratiques positives censées préparer les enfants à vivre dans un environnement qui leur sera très certainement et physiquement et psychologiquement – hostile.
Actuellement, les phénomènes de violence les plus notoires sont ceux directement liés au contexte sécuritaire. En 2022, le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés faisait état d’une augmentation sensible du nombre de violations graves avec plus de 1 024 cas de violations graves, 245 atteintes à l’intégrité physique ; 452 recrutements et utilisation d’enfants par les groupes armés non identifiés, 109 enlèvements, le placement de 30 enfants, en raison notamment de suspicion d’association avec des groupes armés. Ces chiffres seraient largement sous-estimés en raison de la stigmatisation qui entoure ces cas et de la peur de représailles.
Ce document, conforme aux nouvelles directives de l’UNICEF, présente une évaluation objective de la situation dans des domaines essentiels au développement et à l’épanouissement des enfants.
La mobilisation et la résilience exceptionnelles des communautés ont permis des avancées dans de nombreux domaines relevant de la CIDE, comme en témoignent des données provenant de sources fiables. Cependant, ces efforts n’ont pas suffi à produire des changements significatifs pour tous les enfants. C’est dans ce contexte que ce rapport a été rédigé, avec pour objectif de mettre en avant les progrès accomplis tout en soulignant les difficultés persistantes d’accès aux droits rencontrées par de nombreux enfants maliens, en particulier les plus vulnérables, tels que les filles, les enfants vivant dans des zones d’insécurité, ceux en situation d’exclusion sociale, les enfants migrants, etc.
Dans les secteurs tels que la santé, la nutrition, l’éducation, la protection contre les violences et l’exploitation, l’eau, l’hygiène et l’assainissement ainsi que la protection sociale, ce rapport identifie précisément les obstacles sur lesquels les autorités et les communautés peuvent agir pour accélérer les résultats.
Youma A Cissé