
Dans l’affaire dite achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, les avocats de la défense ont donné tout de leur soul pour sauver leurs clients. Morceaux choisis de la plaidoirie du lundi 7 juillet 2025. De Dianguiné Tounkara, l’unique conseil de l’accusée principale, Mme Bouaré Fily Sissoko, était le premier à s’exprimer. Après avoir rappelé que le procès pénal ne juge pas que des faits, mais des hommes aussi, il a indiqué que sa cliente a toujours déclaré ses biens durant toute sa carrière. « Elle n’a pas commis les faits à elle reprochés. S’agissant de l’aéronef, que des supputations ! Ma cliente n’était pas présente lors des négociations, on lui a exigé d’appliquer. Pendant cinq semaines, on n’a pas pu déceler de faute pénale. Il n’y a aucune anomalie. Le rapport dit que tout a été fait dans les règles de l’art. Ce dossier a été classé légal selon le juge aux comptes », a-t-il soutenu.
A l’en croire, en termes d’imputabilité, la lettre de garantie n’a pas servi au décaissement. « On ne peut rien reprocher à Mme Bouaré. Il n’y a ni délit ni crime sans l’intention coupable. Et ici, ni l’élément matériel ni moral ne peut être retenu contre elle. Pour l’atteinte aux biens publics, aucune de ces infractions n’est caractérisée. Mme Bouaré Fily Sissoko est innocente parce qu’il y a une absence de preuve.
Il faut l’acquitter purement et simplement, car en l’absence de preuve, on ne peut pas entrer en voie de condamnation », a objecté Me Tounkara.
Me Robert Takoré, l’un des avocats de Mahamadou Camara, a rappelé que la première expression des besoins a été faite par les femmes et enfants des soldats tués au nord du Mali pour équiper les militaires. « L’expression des besoins est partie de là avec le président ATT et qui a été mise en œuvre par IBK. Il y a une absence totale de preuve que le mandat fourni par Mahamadou Camara soit susceptible de faux. Tout ce qu’il a fait rentrait dans ses prérogatives. Outre la signature de ce document, il n’a rien fait d’autre. L’infraction n’est pas constituée. L’atteinte aux biens publics n’est pas possible tant que les faits de faux et usage de faux ne sont pas établis. Toute cette affaire est une construction. Vous n’allez pas condamner sur des supputations, sur des allégations dont la preuve n’a été apporté en aucun moment », a-t-il terminé.
Me Harouna Kéita, un autre défenseur de Mahamadou Camara, a signalé que cette affaire est partie de la forfaiture et qu’il n’y aucun faux commis. « Le rôle de mon client s’est arrêté à exécuter l’instruction donnée par le président IBK », a-t-il rassuré avant de plaider non coupable pour tous les accusés.
Me Alassane Diallo, avocat de Nouhoum Dabitao a abondé dans le même sens en affirmant que son client n’a commis aucune d’irrégularité dans la production des pièces justificatives. « Comment justifier 36 milliards F CFA pour un marché de 34 milliards F CFA ? Il n’a pris part ni à la négociation du contrat, ni à la conclusion et ni à l’exécution. Je vous demande de réfléchir aux valeurs qu’incarne mon client.
Je vous exhorte de penser aux accusations contre cet homme et à travers lui sur le moral des troupes », a-t-il martelé.
De son côté, Me Mamadou Bobo Diallo, conseil de Moustapha Drabo a indiqué que ce procès est celui du régime IBK et les gens qui l’ont servi. « Pourquoi tant de haine et de règlement de comptes ? Ils sont des fonctionnaires civils et militaires qui ont servi l’Etat à des niveaux remarquables. Ce procès n’est pas une affaire du siècle. C’est un procès banal. Un centime n’a été identifié comme logé dans le compte de l’un des accusés. Le moindre détournement d’argent public n’a été décelé. C’est pourquoi il y a eu deux classements de l’affaire sans suite. On veut se servir de la justice, ne vous prêtez pas à cela. Tout le problème c’est la chambre d’instruction de la Cour suprême. 69 milliards F CFA, c’est beaucoup d’argent si c’est sorti illégalement dans les caisses de l’Etat, mais là il n’en est rien », a-t-il tancé.
La défense du général Moustapha Drabo a mentionné que la force principale de la justice réside dans l’indépendance des juges. « Votre indépendance, c’est votre sacerdoce. Personne ne vous demandera des comptes. Quand l’accusation est incapable d’asseoir la culpabilité des accusés, il faut requérir l’acquittement », a souligné Me Diallo.
En dernier lieu avant le verdict, les accusés ont eu la parole afin d’éclaircir des zones d’ombre. L’accusée principale Mme Bouaré Fily Sissoko a précisé qu’ils ont accepté de se soumettre à la justice de leur pays pour leur honneur et leur éducation. « C’était un devoir de s’expliquer pour donner sa part de vérité. Notre éducation ne nous permet pas de toucher à un centime du denier public, à cause de notre dignité. Il faut que l’ensemble de la population malienne comprenne que j’ai refusé de payer la caution parce que je voulais être jugée d’abord. La seconde raison est que je n’ai pas les moyens et j’ai refusé que les gens payent à ma place parce que je voulais connaître mon sort d’abord », a-t-elle clarifié.
Mahamadou Camara a été informé du dossier alors qu’il n’était pas au Mali.
« C’est parce que j’ai foi en la justice de mon pays que j’ai décidé de venir, sinon on m’avait dit que j’allais être enfermé si je revenais. J’ai dit que je ne n’aime pas la prison, mais que je veux laver mon honneur », a-t-il laissé entendre.
Le général Moustapha Drabo a fait remarquer qu’en tant que petit fils et fils de militaire il a fait le serment de servir son pays avec honneur et dignité. « Toutes les commandes ont été livrées et les PV de réception attestent cela. A travers votre verdict, je vous demande de me rendre mon honneur d’officier supérieur après 32 ans de service », a-t-il demandé à la Cour.
Le colonel-major Nouhoum Dabitao a souligné qu’il a une réputation à conserver parce qu’il vient d’une famille respectueuse. « Je ne vais jamais me servir, j’ai plutôt servi mon pays, car je viens de la crème des écoles militaires », a-t-il signalé.
Marie Dembélé