
Dans l’exercice 2014 et 2022, l’OCLEI a observé un investissement de 87 milliards de francs CFA par la mairie du district pour l’assainissement de Bamako. Ce montant relève de la convention de gestion des services de propreté de la ville de Bamako avec la société Ozone Mali du groupe marocain Ozone environnement et services, pour un montant annuel de 9 197 141 781 FCFA sur une durée de 8 ans et celle de contrats avec des groupements d’intérêt économique pour 13 459 223 148 FCFA entre 2019 et 2022. L’OCLEI a transmis, pour leurs observations, le rapport provisoire par Lettre n°000356/OCLEI-P du 13 août 2024 au Ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, par Lettre n°000357/OCLEI- P du 13 août 2024 au Ministre de l’Economie et des Finances et, par Lettres n°2024-358/OCLEI du 13 août 2024 et n°2024-0480/OCLEI du 30 octobre 2024 à la Mairie du District de Bamako.
Au 31 décembre 2022, selon les données transmises à l’OCLEI, il a été payé à la société OZONE Mali la somme de 25 318 335 372 FCFA au titre de ses prestations sur la période. Sur ces paiements, 24 605 857 262 FCFA, soit 97% du montant, proviennent du budget national à travers des subventions accordées par le Ministre de l’Economie et des Finances. La Mairie n’a, quant à elle, payé sur ses fonds propres que 712 478 110 FCFA, soit 3% des paiements effectués.
L’OCLEI a noté que parallèlement à l’exécution de la Convention avec la société OZONE Mali, la Mairie du District a, de 2019 à 2022, contracté avec d’autres prestataires des marchés de nettoiement pour lesquels elle a engagé 13 459 223 148 FCFA et payé 4 894 129 617 FCFA sur ses fonds propres.
Par ailleurs, de 2015 à 2019, les autorités de la Mairie du District de Bamako ont permis à la société OZONE Mali de procéder à une facturation forfaitaire de ses prestations. Ce système de facturation fait ressortir un taux d’exécution de 100%, ce qui oblige la Mairie à payer la totalité des prestations prévues dans le bordereau des prix. En procédant ainsi, le montant total facturé par la société OZONE Mali s’est élevé à 42 504 956 354 FCFA sur cette période. L’évaluation faite par l’OCLEI sur les prestations réellement exécutées fait ressortir 22 152 848 721 FCFA. Le montant facturé dépasse de 20 352 107 633 FCFA la réalité des prestations effectuées.
De plus, en juin 2020, le Ministre de l’Economie et des Finances a engagé l’Etat, à travers l’octroi d’une garantie autonome à un pool bancaire, au remboursement d’un prêt bancaire de 18 007 549 044 FCFA accordé à la société OZONE. Il est ressorti que bien qu’étant la partie contractante de la Convention, la Mairie du District n’a pas été associée à la conclusion de ce prêt bancaire.
Selon l’observations de l’OCLEI
- Le 6 septembre 2022, par courrier n°2012/M-DB-2022, le Maire du District de Bamako a notifié au Directeur général de la société OZONE Mali la fin de la convention de la gestion des services de propreté de la ville de Bamako évoquant des difficultés dans sa mise en œuvre.
- Au 31 décembre 2022, il a été payé à la société OZONE Mali la somme de 25 318 335 372 FCFA au titre de ses prestations sur la période de 2015 à 2022, selon les données transmises à l’OCLEI.
La Convention de la gestion des services de propreté de la ville de Bamako a été conclue dans des conditions opaques
- Les investigations menées par l’OCLEI ont établi que le Ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement et le premier adjoint au Maire du District de Bamako, en marge d’une mission au Royaume du Maroc courant juin 2014, ont tenu des rencontres avec le groupe OZONE Environnement et Services, société de droit marocain sise à Rabat. Les échanges ont porté sur l’assainissement de la ville de Bamako. Le 26 juin 2014, les intervenants à ces échanges ont élaboré une feuille de route à Fès (Maroc). Cette feuille de route précise les points d’entente arrêtés entre les deux parties et les conditions de réalisation du projet au Mali.
- La Présidence de la République du Mali était favorable à cette approche qui était censée apporter une réponse adéquate et radicale à la mauvaise gestion des déchets solides de la ville de Bamako, surtout à la veille du Sommet Afrique-France qui devait avoir lieu courant 2016.
- Le 29 septembre 2014, soit quelque trois mois après les premiers échanges, la Convention de la gestion des services de propreté de la ville de Bamako a été conclue avec la société OZONE Mali, pour une durée de huit (08) ans, allant du 10 février 2015 au 10 février 2023, et pour un montant de 9 197 141 781,77 francs CFA par an.
- Côté marocain, la Convention a été signée par le groupe OZONE Environnement et Services. Au moment de la signature de la Convention, le processus de création de la société OZONE Mali, une filiale que le groupe OZONE Environnement et Services a créée exprès au Mali après les premières rencontres tenues au Maroc, n’était pas achevé. Côté malien, la convention a été signée par le Maire du District de Bamako, le Ministre de la Décentralisation et de la Ville et le Ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement.
- La Convention a été mise en place sous forme d’une délégation de service public. La Mairie du District a été retenue comme autorité délégante placée sous la tutelle du Ministère chargé de la ville. La société OZONE Mali est la délégataire, chargée de la réalisation des prestations. La Convention avait pour objet :
- la collecte et l’évacuation des déchets ménagers et assimilés, des encombrants et des ordures des dépôts sauvages ainsi que le transport des résidus collectés à la décharge publique et leur déchargement ;
- le nettoiement de la voirie (chaussée, trottoirs, caniveaux et places…) et du mobilier urbain installé par la Mairie ainsi que le transport des résidus de nettoiement et leur déchargement à la décharge publique ;
- le lavage des voies et places publiques ;
- l’exploitation et l’entretien de la décharge publique mise à disposition.
- Le processus de conclusion et de signature de la Convention s’est déroulé dans des circonstances opaques sans aucun élément de transparence et de recherche d’efficience. Les aspects ci-après étayent cette assertion :
- Le Ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement a mené le processus de conclusion de la convention et y a apposé sa signature, alors qu’il n’était ni autorité concédante ni autorité de tutelle de la Mairie du District. Son intervention et sa signature ne reposent sur aucune disposition légale relative à la passation des marchés publics et délégations de service public.
- Les échanges sur les prestations et leurs coûts ont été bouclés sans une intervention documentée des services techniques compétents, notamment ceux de la Mairie du District de Bamako, du Ministère chargé des collectivités territoriales et du Ministère de l’Economie et des Finances. Il n’y a eu aucune analyse rigoureuse et documentée sur les besoins, la faisabilité du projet, la nature et le volume des prestations, les voies et moyens de stockage et de traitement des déchets collectés, la typologie et le nombre des ressources humaines requises. Il n’y a, non plus, eu aucune évaluation financière permettant de déterminer les montants à payer par le Mali ni leurs modalités. La pertinence du modèle financier et l’efficience de la convention n’ont pas été évaluées.
- Le processus juridique de la délégation a été conduit sans l’implication des services de la Direction générale des Marchés publics, ni celle des organismes de conseil en matière de délégation de service public.
- Le processus de conclusion et d’approbation de la Convention n’a pas impliqué le Ministre de l’Economie et des Finances bien que la Convention ait été signée pour un montant de 9,1 milliards de francs CFA par an pendant 8 ans, soit un montant total prévu sur la période de 73 milliards.
Situation des marchés d’assainissement parallèles à la Convention de la gestion des services de propreté de la ville de Bamako par année sur la période de 2019 à 2022
- Pour l’exercice 2019, montant du contrat s’élève à 4 941 537 894, avec des paiements effectués de 2 083 009 617 et un reliquat à payer de 2 858 528 277
- Pour l’exercice 2020, montant du contrat s’élève à 2 372 128 000, avec des paiements effectués de 1 788 728 000 et un reliquat à payer de 583 400 000
- Pour l’exercice 2021, montant du contrat s’élève à 3 228 825 254, avec des paiements effectués de 690 472 000 et un reliquat à payer de 2 538 353 254
- Pour l’exercice 2022, montant du contrat s’élève à 2 916 732 000, avec des paiements effectués de 331 920 000 et un reliquat à payer 2 584 812 000
- Total : le montant du contrat est de 13 459 223 148, dont des paiements de 4 894 129 617 ont été effectués, laissant un solde de 8 565 093 531.
Youma A Cissé