Pour la campagne agricole à venir, le gouvernement sera très attentif au financement de l’agriculture ! C’est ce qu’a assuré le Premier ministre lors de la 13e session du Comité exécutif national de l’agriculture (CENA) tenue le 23 avril 2023 à la Primature. Sans doute du déjà entendu pour le monde rural encore floué lors de la précédente campagne agricole par les promesses politiques non tenues. En effet, malgré les subventions, les paysans maliens n’ont pas pu avoir accès aux intrants agricoles ni au moment opportun ni à des prix à leur portée. Même si pour le chef du gouvernement, les principaux résultats de la campagne agricole 2022 (hormis le coton) sont satisfaisants, cette situation a été un sérieux handicap pour nos producteurs. Et elle prouve encore à suffisance que les paysans sont toujours les laissés pour compte de nos politiques de développement. Il est alors utopique de rêver de toute émergence socioéconomique.
La 13e session du Comité exécutif national de l’agriculture (CENA) a été axée sur l’examen et l’adoption du bilan du Plan triennal de la campagne agricole de 2022, sur la programmation de 2023 et les projections 2024 et 2025 conformément à l’architecture du Plan national d’investissement du secteur agricole (PNISA) et au mode budget-programme. Y compris le document de l’interprofession de la filière bétail-viande au Mali en vue de sa reconnaissance et de son enregistrement parmi les organisations interprofessionnelles du secteur agricole.
Pour le PM, le principal défi pour notre pays est d’installer les agropoles dans d’autres régions (en dehors de la zone périurbaine de Bamako-Koulikoro) pour engager véritablement la transformation de l’agriculture de notre pays. En effet, ces pôles de développement découlent de la volonté de faire bénéficier aux populations les avantages liés à la création d’emplois, à l’amélioration des revenus et des conditions de vie des femmes et des jeunes en milieu rural. Une initiative pertinente dans sa conception.
«Le gouvernement est engagé, à travers la politique de développement agricole, pour que les équipements agricoles et de production soient mécanisés, disponibles et accessibles aux producteurs ; que la gestion de la subvention soit améliorée», a assuré Dr Choguel Kokalla Maïga. Il n’a pas manqué de souligner que «le gouvernement est très attentif au financement de l’agriculture qui doit être soutenu». Dans cette optique, le Fonds national d’appui à l’agriculture suscite beaucoup d’espoir pour le financement adéquat des activités agricoles et péri-agricoles tout en facilitant l’accès des crédits aux producteurs.
Sauf que les promesses politiques n’ont jamais produit les effets escomptés pour soulager le fardeau de nos paysans. Ce qui s’est passé pendant la précédente campagne agricole est sidérant. Malgré la conjoncture financière, l’Etat a subventionné les intrants agricoles. Malheureusement, les paysans n’y ont eu accès que rarement au moment souhaité et aux prix indiqués.
Des initiatives qui ne bénéficient jamais aux paysans éternellement floués par l’élite du pays
Comme l’a si pertinemment rappelé. Amit Roy, directeur du Centre international de développement des engrais (IFDC), «l’engrais ne suffit cependant à résoudre tous les problèmes agricoles de l’Afrique, car il ne sert à rien s’il arrive trop tard ou si les cultures ne sont pas irriguées ou si vous ne pouvez vendre votre récolte». D’autres en ont profité et profitent toujours des initiatives de ce genre à la place des agriculteurs sans coup férir.
En effet, peu d’observateurs s’entendent à ce que l’enquête promise par le président de la Transition en personne puisse aboutir à démasquer et à punir les indélicats. Et c’est malheureusement ainsi depuis plus de trois décennies. Des moyens financiers déployés en amont des campagnes agricoles par l’État et par ses partenaires techniques et financiers (PTF), à travers les projets et programmes, profitent à d’autres personnes à la place des ruraux. Depuis l’avènement de la démocratie, quelle initiative politique a été réellement prise au nom du monde rural et qui lui a réellement profité ? A part relativement l’initiative riz (le volet commercialisation n’avait pas été bien cerné pour que cela profite réellement aux paysans et aux consommateurs et non aux opérateurs économiques et à leurs intermédiaires).
Et pourtant, l’économie du Mali repose essentiellement sur le secteur agricole qui occupe près de 80 % de la population active et contribue pour 33 % au PIB et 15 % aux recettes d’exportation (PDA 2014). Les surfaces cultivables sont estimées à environ 11.500.000 hectares, dont 2.000.000 d’hectares irrigables. Sans compter l’énorme potentiel du cheptel. Malgré ces énormes potentialités agricoles, il est important de signaler que l’agriculture malienne a été et reste aléatoire à cause des irrégularités des pluies, la fragilité des sols, l’influence des climats désertiques et sahéliens du côté nord, le sous-équipement…
L’urgence d’un projet réaliste de développement du milieu rural
Ce secteur souffre surtout d’un réel manque de volonté politique dans la planification de son développement. En la matière (développement), il n’y a pas de miracle. Tout est une question de la maîtrise des enjeux, de la planification afin de procéder à des investissements judicieux. Malheureusement, au Mali, les initiatives en faveur du monde paysan se sont suivies ces dernières années et ont presque abouti au même résultat : les retombées sont en deçà des attentes parce que les vrais bénéficiaires sont toujours floués. Seule l’Initiative riz en a relativement échappé.
Et pourtant, chacun doit être aujourd’hui conscient qu’il n’y aura point de salut pour notre pays (en termes de stabilité et de développement) tant que le monde rural continuera à être méprisé (le terme est loin d’être fort) dans nos politiques de développement. Si on peut les (politiques de développement) appeler ainsi car il s’agit dans la plupart des cas de saupoudrage, donc de marketing politique visant à enrichir le bilan d’un mandat que de poser les jalons pérennes de la vraie émergence économique du pays.
A l’image des organisations féminines de la capitale qui ont toujours planifié les besoins et récolté des fonds à la place des femmes rurales sans jamais se soucier de leurs vrais désirs, l’Etat a presque toujours pris des initiatives en faveur du milieu rural en fonction des ambitions politiques personnelles sans jamais interroger les ruraux sur leurs préoccupations et leurs attentes réelles. De quoi avez-vous besoin pour vous aider à améliorer vos vies ? Que doit faire l’Etat pour empêcher que vos enfants soient perpétuellement attirés par la ville où ils ne contribuent pourtant qu’à la paupérisation ?
Des questions, entre autres, qui doivent inspirer un projet réaliste de développement du milieu rural au Mali. Il est vrai que les handicaps sautent le plus souvent à l’œil. Nous savons par exemple que nos producteurs, surtout les petits exploitants agricoles qui sont de loin majoritaires dans la population rurale malienne, manquent cruellement d’équipements et de matériels agricoles. Mais, cela n’est pas une raison de ne pas consulter les principaux concernés dans la recherche de réponses pérennes à leurs préoccupations majeures.
Moussa Bolly
Le Matin